Faut-il avoir peur des jumeaux numériques ? Digital Twins, enjeux et perspectives.
Qu’est qu’un jumeau numérique ?
Le jumeau numérique est un clone d’une chose, d’un objet, d’un système et, tout récemment, d’individus, qui est utilisé pour simuler des dynamiques de fonctionnement ou de comportement. Il se traduit communément par une représentation 3D.
Le jumeau numérique est dans les faits plus qu’une réplique : c’est une version intelligente et évolutive d’un système physique ou cognitif. Des usines aux individus, il ouvre la voie à une simulation prédictive du réel. Mais cette prouesse technique soulève aussi des défis éthiques majeurs.
Quelles technologies pour le clone numérique ?
Au niveau technique, il s’agit d’un modèle logiciel dynamique qui s’appuie sur les dernières technologies en collecte de données, en intelligence artificielle, en machine learning, en IoT (capteurs), en deep learning et autres analyses de données avancées. Ainsi un jumeau numérique n’est pas qu’une photo à un moment donné, c’est un système « vivant » qui évolue, se met à jour, s’enrichie, se complète et se complexifie tout seul, quasiment en temps réel. Il naît avec son patrimoine informationnel (historique des données) et ne cessera plus jamais de le nourrir et de l’enrichir.
Les cas d’usage industriels des digital twins
On connait déjà des cas d’usages dans l’industrie (défense, énergie, automobile, aéronautique, spatial..) dont les plus connus sont liés à maintenance prédictive car le jumeau numérique permet d’anticiper des pannes, de renforcer la sécurité et d’optimiser l’utilisation de machines. Réplique d’un objet physique qui envoie à son jumeau numérique des données en temps réel de son état, immédiatement analysées, il permet d’avoir une copie virtuelle en temps réel qui peut se révéler utile pour anticiper des risques (défaillances, pannes) mais aussi améliorer les produits (qualité, durée de vie).
Le jumeau numérique révolutionne également la conception et la création de produit car nul besoin de le tester à postériori puisque tout est envisageable de manière virtuelle (matériaux, ergonomie, design, UX). Le développement de produit est accéléré et cela permet notamment de lancer de plus petites séries, très rapidement à moindre coût.
Il permet d’obtenir des pronostics plus fins et d’optimiser toute une chaîne de fonctionnement. Plus récemment, villes et usines voient leurs clones apparaître comme cette usine Siemens ou cette ville, Amaravati en Inde, considérée comme la première née depuis son jumeaux numérique. Toute la conception a été scénarisée, simulée et testée à l’avance pour en optimiser son fonctionnement et sa gestion (réseaux, infrastructures, circulation, consommation). On imagine aisément leur utilité demain pour l’anticipation et la gestion notamment des catastrophes naturelles.
Vers le jumeau numérique humain : promesses et dérives
Moins populaire que dans l’industrie, les jumeaux virtuels ne clonent pas que des choses et des objets … mais aussi des humains en capitalisant sur toutes les « traces » et autres empreintes numériques que les individus ont laissé sur leur passage.
Emmanuelle Parnois
Tech Insights
Recommandations d’achats et optimisation des taux de conversion sur le web sont aujourd’hui monnaie courante. Après avoir observé et défini (mapping) votre processus de réflexion, on peut prédire quels seront vos prochains choix dans des situations comparables. Parfois, les systèmes d’IA semblent nous connaitre encore mieux que nous-mêmes… Vous avez surement ressenti au moins une fois ce sentiment un peu effrayant en découvrant des publicités online qui semblent vous proposer exactement ce à quoi vous êtes en train de penser ?
Ces systèmes ont une rapidité et une capacité démultipliée d’écoute, d’observation et de création prédictive de comportements à la volée et de plus en plus fine. On connait les cas d’usages en profiling de comportements de consommateurs ou encore d’électeurs. Il s’agit ni plus ni moins de réplication cognitive pour prédire et surtout orienter nos décisions. Avec les Digital Twins, on est en train de franchir une nouvelle étape dans la réplication. Le jumeau numérique sera bientôt tellement précis qu’il pourra anticiper et déterminer les réactions individuelles sans impliquer individuellement le jumeau humain.
Entre suggestion, influence et manipulation, la frontière est fine et les débats en terme d’éthique et de protection des données personnelles ne font que commencer !
Le clonage de jumeaux numériques sert à tester les effets que font tel ou tel stimuli sur les comportements, à lancer des simulations, à mesurer les impacts de tel ou tel événement sur une usine de production, un réseau de distribution ou une chaîne de réactions humaines. Une sorte de cobaye digital, cloné du monde physique qui agit et se comporte comme nous. À date, il n’a certes pas encore la complexité de notre conscience mais il a un certain esprit qui lui a été influé par son créateur. Et il peut être testé à notre insu, prédire l’avenir et faire donc des choix avant nous !
Concrètement, le système permet de cartographier les perceptions d’une population ou d’un groupe d’individus à partir des comportements observés. Puis il détermine comment un résultat peut être obtenu depuis une chaîne de perceptions individuelles. On sait aujourd’hui modéliser des réactions cohérentes et des schémas de pensée. Et les données historiques enrichies par celles que nous produisons en continu alimentent les systèmes informatiques intelligents (AI, ML) et eux, n’oublient rien. La connaissance se fait toujours plus fine, avec des niveaux de granularité jamais atteints jusqu’alors comme autant de nœuds connectés qui représentent les voies de nos chemins de pensées.
Nos individualités peuvent aujourd’hui technologiquement être l’objet de capture cognitive pour aboutir à une combinaison unique d’algorithmes, des sortes de modules qui forment notre jumeau numérique. Ils nous montrent et nous disent ce que nous aimons car ils l’ont déjà testé sur eux-même.
Les applications au niveau des objets et des choses ont déjà démontré leur intérêt. Cloner un hôpital permet d’anticiper les goulots d’étranglement et de sauver des vies. De manière plus triviale, il nous propose la paire de chaussure dont nous avons rêvé et Netflix, la série qui va nous enchanter. On sait aujourd’hui qu’ils participeront à la prévention des maladies et permettront d’anticiper les effets du vieillissements. Les jumeaux peuvent également nous aider à ne pas reproduire les mêmes erreurs … contrairement à son double humain qui a tendance à toujours faire les mêmes 😉
Les enjeux éthiques et sociétaux des jumeaux numériques
Le jumeau numérique, c’est un peu ce miroir technologique qui ne ment jamais ou presque. À mesure que ces copies virtuelles deviennent plus précises, plus intelligentes, plus “vivantes”, elles posent une question simple, presque philosophique : jusqu’où peut-on répliquer un être humain sans le trahir ?
Car s’il est fascinant de pouvoir simuler le comportement d’une machine, d’un réseau ou d’une ville entière, la modélisation de l’humain ouvre la porte à des dérives autrement plus sensibles. Chaque clic, chaque trajet, chaque hésitation dans un tunnel d’achat devient une donnée exploitable, un fragment de notre identité cognitive. Et une fois ces traces assemblées, le résultat n’est plus un simple profil, mais un double numérique capable d’anticiper — voire d’influencer — nos choix.
Derrière la prouesse technologique se cache donc un dilemme : le jumeau numérique nous libère-t-il ou nous programme-t-il ? Car ce qu’il apprend de nous peut aussi être utilisé contre nous : suggestions qui orientent nos décisions, contenus qui renforcent nos biais, scénarios qui testent nos réactions sans notre consentement. Une expérimentation sociale permanente, sous couvert d’innovation.
La question de la vie privée devient alors vertigineuse. À qui appartiennent les données de votre jumeau numérique ? À vous, à l’entreprise qui l’a créé, à l’algorithme qui l’enrichit ? Difficile de répondre, tant la frontière entre le moi réel et le moi digital s’estompe. Ce double “intelligent” pourrait, demain, continuer à agir alors même que nous aurions cessé d’exister… un héritage numérique fascinant, mais aussi inquiétant.
Et puis, il y a les biais cognitifs, ces petits raccourcis mentaux que nos jumeaux apprennent avec nous. Si l’humain reste imparfait, son clone digital le sera aussi — à grande échelle, et à vitesse algorithmique. Une erreur de modélisation peut devenir un biais systémique, amplifié par la puissance du calcul.
Le jumeau numérique, en somme, est une promesse ambivalente : celle d’une connaissance absolue de nos comportements… et d’un miroir sans tain où quelqu’un d’autre pourrait bien nous observer.
Les analystes ne s’y trompent pas et s’accordent tous sur le fait que les digital twins n’ont pas fini de nous surprendre et ouvrent un nouveau champ des possibles à inventer ensemble. À suivre, ils devraient atteindre leur niveau de maturité entre 2022 et 2027.
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